Rupture du contrat de travail : l’obligation de reclassement dans le plan de départ volontaire
La chambre sociale vient rappeler que si le recours au plan de départ volontaire pour réduire les effectifs est plus souple qu’une procédure de licenciement collectif, il faut le manier avec précaution.
Est ainsi confirmée la jurisprudence obligeant à distinguer deux types de plan de départ volontaire (PDV) selon l’objectif de ce dernier en termes de suppressions d’emplois. Soit le PDV s’inscrit dans un projet de réduction d’effectifs mais la suppression est conditionnée par la volonté du salarié ; soit le PDV s’inscrit dans un projet de réduction d’effectifs mais l’emploi des salariés concernés est nécessairement supprimé.
Dans la première hypothèse, l’employeur n’est pas dans l’obligation de proposer des mesures de reclassement.
Dans la seconde hypothèse, le maintien des salariés dans l’entreprise supposant nécessairement un reclassement dans un autre emploi, un plan de reclassement interne doit alors être intégré au plan de sauvegarde de l’emploi. C’est à cette hypothèse que correspond le PDV, objet de l’arrêt commenté. L’emploi des salariés concernés était nécessairement supprimé. Pour reprendre les termes de l’arrêt du 23 avril 2013, les départs volontaires prévus dans le plan de suppression d’emplois s’adressaient aux salariés « dont le licenciement est envisagé sans engagement de ne pas licencier si l’objectif n’était pas atteint au moyen de ruptures amiables des contrats de travail », la chambre sociale en conclut alors logiquement que l’employeur est tenu à l’égard de ces salariés d’exécuter au préalable l’obligation de reclassement prévue dans le plan.
La chambre sociale ajoute une petite piqure de rappel quant à l’obligation de reclassement elle-même. Celle-ci ne peut résulter de la seule communication aux intéressés d’une liste de postes disponibles dans le groupe. Cette communication ne constitue pas une proposition écrite et personnalisée de reclassement répondant aux exigences légales.
Consultation des courriels du salarié et respect de sa vie privée
Des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de sa messagerie électronique personnelle. Ainsi, viole les articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, la cour d’appel qui a jugé que constituait une atteinte au respect de la vie privée d’un salarié, le fait qu’un expert mandaté par la société l’employant accède aux courriels qu’il avait échangés avec l’un de ses collègues à partir de leurs adresses électroniques personnelles, en l’absence de ce salarié qui n’avait pas été dûment appelé ou de ses représentants. La chambre sociale se prononce en ce sens dans un arrêt de cassation du 20 juin 2013.
Dans cet arrêt, la chambre sociale rappelle sa jurisprudence classique selon laquelle les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence. Il en est de même pour les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur. Rappelons que si le salarié peut identifier des fichiers comme personnels, cette faculté fait l’objet d’une rigoureuse exigence. À titre d’exemple, la seule dénomination « Mes documents » donnée à un dossier créé par le salarié ne lui confère pas un caractère personnel.
Temps de travail : preuve des déplacements entre le domicile et le lieu de travail inhabituel :
La question de la qualification du temps de trajet est l’un des domaines dont le juge s’est saisi avant le législateur et qui, censuré par l’intervention (tardive) de ce dernier, refuse de lâcher prise et entre en résistance.
L’arrêt du 15 mai 2013 laisse entrevoir que la Cour n’a finalement pas baisser les armes sur cette question et précise le régime probatoire applicable au déplacement effectué par le salarié pour se rendre de son domicile à un lieu de travail occasionnel, « inhabituel ».
À l’aide d’un visa associant les articles L. 3121-4 et L. 3171-4 du code du travail, la Cour pose dans un attendu de principe que « le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail, lorsqu’il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, doit être considéré comme du temps de travail effectif et, à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 2005 faire l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière ». Elle ajoute : « que la charge de la preuve de ce temps de trajet inhabituel n’incombe spécialement au salarié que pour la demande de contrepartie ».
L’article L. 3121-4 du code du travail prévoit que « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière ». La Cour va alors déduire de l’association de cet article et de celui antérieur à la loi de 2005 (art. L. 212-4), qui ne prévoyait pas l’existence d’une contrepartie pour le trajet d’une durée supérieure au temps normal de trajet domicile/lieu de travail habituel, que ce temps de trajet est bien un temps de travail effectif (comme elle le disait dans sa jurisprudence antérieure). Cette interprétation de l’article L. 3121-4 semble contra legem. En effet, pour la Cour, l’usage du terme « toutefois » signifie que l’exclusion de la qualification de temps de travail effectif est écartée si le temps de trajet est inhabituel. Or, le fait que le législateur ait pris la peine de prévoir une contrepartie tend à prouver qu’il ne s’agit pas d’un temps de travail effectif ; si c’était le cas le salarié aurait droit à son salaire. Le fait même de prévoir une contrepartie indique donc que, pour le législateur, il ne s’agit pas d’un temps de travail effectif, mais d’un temps « gris » (comme le temps d’attente dans le système des astreintes). Mais, la Cour semble au contraire estimer qu’à partir de 2005, l’exigence de contrepartie s’ajoute – et non pas se substitue – à la qualification de temps de travail effectif.
La Cour va ensuite préciser « que la charge de la preuve de ce temps de trajet inhabituel n’incombe spécialement au salarié que pour la demande de contrepartie ». Autrement dit, dès lors que le salarié demande un rappel de salaire pour les heures passées en déplacement, qui sont donc des heures de travail effectif, et donc potentiellement des heures supplémentaires, la charge de la preuve doit être la même que pour les heures de travail effectif. D’où la référence dans le visa à l’article L. 3171-4 du code du travail qui partage la preuve entre le salarié et l’employeur.
On notera que l’arrêt reprend des termes identiques à la jurisprudence constante relative à l’application de l’article L. 3171-4 qui fixe que « la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ». De laquelle découle que « le juge ne peut donc, pour rejeter une demande en paiement d’heures supplémentaires, se fonder exclusivement sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié ; il doit examiner les éléments que l’employeur est tenu de lui fournir, de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ». En l’espèce donc, la preuve n’incombera spécialement au salarié que s’il demande la contrepartie financière prévu par l’article L. 3121-4, en dehors de cela, la jurisprudence constante en matière de preuve des heures de travail s’applique.
C’est à cette application que la Cour s’affère ensuite en réutilisant, là aussi, des termes issue de cette jurisprudence : « le salarié produisait un décompte de ses déplacements auquel la société pouvait répondre ». Elle replace donc le débat contradictoire sous l’auspice de l’article L. 3171-4 qui veut que le salarié fournisse des éléments à l’appui de sa demande. À ce titre, « constitue un élément de fait suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés un décompte établi par le salarié au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire, auquel l’employeur pouvait répondre ».
Retraite : rapport de la Commission « Moreau » pour l’avenir des retraites
La Commission pour l’avenir des retraites, Commission ad hoc, instituée conformément à la feuille de route établie lors de la grande conférence sociale de juillet 2012 a rendu son rapport au premier ministre le 14 juin 2013. Cette Commission avait pour mission de faire des propositions pour moderniser et préserver notre système de retraite par répartition, en se basant sur les derniers rapports rendus par le Conseil d’orientation de retraites (V. Rapports du 19 décembre 2012 « Retraites : perspectives 2020, 2040, 2060 » et du 22 janvier 2013 « Retraites : un état des lieux du système français »).
Le rapport de la Commission pour l’avenir des retraites ne concerne que les régimes de retraite de base. S’agissant des retraites complémentaires AGIRC et ARRCO, un accord a été signé le 13 mars 2013 par les partenaires sociaux gérant ces régimes.
L’évolution démographique de la société française est la raison d’être du rapport de la Commission. Deux phénomènes démographiques ont, en effet, été mis en avant dans ce rapport : l’allongement de l’espérance de vie et les départs massifs à la retraite des baby-boomers.
1. – Face à ces données démographiques, la Commission pour l’avenir des retraites a, tout d’abord, examiné des pistes pour rééquilibrer financièrement le système des retraites à court, moyen et long terme.
Les prévisions du Conseil d’orientation des retraites, publiées dans un rapport de décembre 2012, prévoient un besoin de financement des régimes de retraite de l’ordre de 20 Mds d’euros en 2020. Face à ces projections, la Commission propose des pistes pouvant être combinées pour parvenir à rééquilibrer le système des retraites à cette date. Elle envisage de mobiliser de nouvelles recettes (alignement du taux de la CSG des retraités sur celui des actifs, révision de certains avantages fiscaux propres aux retraités, hausse des cotisations d’assurance vieillesse), d’agir sur le niveau des pensions (sous-indexation exceptionnelle des pensions par une modification des salaires portés au compte), d’agir sur la durée d’activité par des mesures d’âge ou de durée (accélération du calendrier d’allongement des durées d’assurance). Par rapport à ces leviers d’actions, la Commission propose des scénarii avec une répartition des efforts variables mais recommande « que les mesures les moins pénalisantes pour la croissance et le pouvoir d’achat soient privilégiées (principe d’efficacité) et la charge sur les revenus les plus modestes limitée (principe de justice) ».
À long terme (après 2020) et dans l’hypothèse d’un contexte économique favorable, l’objectif serait de pérenniser l’équilibre financier acquis. Dans cette perspective, « la Commission juge nécessaire de piloter la trajectoire financière et de garantir l’équilibre du système par des mécanismes d’adaptation des recettes et des dépenses » et suggère de recourir au mécanisme d’« indexation des salaires portés au compte qui neutralise les aléas de la croissance ». Mais ce mécanisme n’interviendrait qu’à « la discrétion du gouvernement, sur la recommandation d’un comité de pilotage des retraites ».
2. – La Commission a, ensuite, analysé les moyens de renforcer l’équité et la lisibilité des droits à la retraite.
Il s’agit, en premier lieu, de remédier aux inégalités dans l’acquisition des droits en prenant mieux en compte les « carrières heurtées ». Sont ici visés : les jeunes en cours d’insertion sur le marché du travail (apprentis, stagiaires en entreprise et stagiaires de la formation professionnelle), les poly-pensionnés, les personnes faisant face à des aléas de carrière (chômage, maladie…).
Cela consiste, en second lieu, à moderniser et à faire converger les règles de calcul entre le secteur public et privé. La Commission a ainsi étudié l’hypothèse d’une réforme globale des avantages familiaux dans le but de « compenser les interruptions de carrière directement liées aux jeunes enfants, d’une part, et l’impact sur les rémunérations (et partant sur les pensions) induit par l’éducation des enfants, assurée principalement par les femmes, d’autre part ».
La Commission a, également, mis en lumière le besoin de simplification des procédures pour les assurés, elle propose, en ce sens, la création d’un « guichet unique » par la mise en place d’un compte individuel de retraite en ligne pour tous les régimes et constituant le seul interface entre l’assuré et ses régimes ou encore l’institution d’une demande unique de liquidation de retraite sous la forme d’un formulaire en ligne pré-rempli.
Par ailleurs, la Commission s’attarde sur la possibilité de modifier le mode de calcul des pensions de la fonction publique pour rapprocher les règles applicables aux fonctionnaires à celles en vigueur dans le secteur privé. Cette convergence des règles du secteur public et celles du secteur privé ayant déjà été amorcée par les réformes des retraites qui se sont succédé depuis le début des années 2000. Les régimes de la fonction publique comportent encore, en effet, des spécificités notamment lié à la part des primes dans la rémunération des fonctionnaires qui n’entrent pas, dans la plupart des cas, dans le calcul de la pension. Est envisagé une modification du calcul de la pension basé sur une plus longue durée de référence et l’intégration d’une partie des primes.
3. – La Commission a, enfin, étudié les voies permettant d’accroître le taux d’emploi des seniors et d’améliorer les conditions de travail.
Pour encourager l’emploi des seniors, la Commission propose par exemple de mobiliser et d’accompagner les entreprises notamment dans le cadre du contrat de génération, de clarifier les règles du cumul emploi-retraite ou encore de valoriser la retraite progressive…
La promotion de l’emploi des seniors s’accompagne d’une meilleure prise en compte de la pénibilité au travail. Est ainsi prévue la création d’un « compte individuel pénibilité », qui donnerait aux salariés exposés à des facteurs de pénibilité des droits convertibles en des périodes rémunérées de formation professionnelle, en des périodes de temps partiel compensées financièrement ou encore en un rachat de trimestres de retraite.
Le rapport de la Commission pour l’avenir des retraites va servir de base de travail aux partenaires sociaux réunis cette fin de semaine au Conseil économique, social et environnemental, dans le cadre de la seconde Conférence sociale.
Sécurité Sociale cotisations dues par les bénéficiaires de la CMU : revenus pris en compte
Les sommes perçues périodiquement, par une personne affiliée au régime de la couverture maladie universelle (CMU), pour le règlement échelonné de la cession de son entreprise constitue chaque année un revenu au sens de l’article L. 380-2, alinéa 2, du code de la sécurité sociale (CSS).
Selon l’article L. 380-2 du CSS, les personnes affiliées au régime général sous condition de résidence sont redevables d’une cotisation lorsque leurs ressources dépassent un plafond. Cet article liste les éléments servant au calcul de l’assiette de cette cotisation.
En l’espèce, un affilié au régime de la CMU percevait des sommes périodiquement pour le règlement échelonné de la cession de son entreprise. Il avait contesté le montant de la cotisation afférente à son affiliation au motif que celle-ci ne pouvait pas être assise sur le montant de ces mensualités versées par l’acquéreur de son entreprise en règlement du prix de vente de celle-ci. Le tribunal des affaires de sécurité sociale soutenait que la vente d’une entreprise n’est pas un revenu ou une ressource et que la caisse devait procéder à la révision du montant de la cotisation. La deuxième chambre civile casse ce jugement au visa de l’article L. 380-2, alinéa 2, du CSS. Elle juge que les sommes perçues périodiquement pour le règlement échelonné de la cession d’une entreprise constituent chaque année un revenu.
Rémunération : précisions autour du principe « à travail égal, salaire égal »
La seule différence de statut juridique ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale, sauf s’il est démontré que cette différence résulte de l’application de règles de droit public.
L’obligation probatoire pesant sur le salarié invoquant une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal »
Le salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » et démontre accomplir un « travail égal », ou de « valeur égale » bénéficie d’une présomption d’inégalité salariale, reconnue par la jurisprudence depuis 2004. Dès lors il lui appartient de soumettre au juge de simples éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.
Dans le premier arrêt du 12 juin 2013 (n° 11-14.458), la question se pose de savoir si la demande du salarié, qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » est recevable malgré l’absence d’élément de fait laissant supposer l’existence d’une inégalité. En effet, le salarié ne fait que « suspecter » cette inégalité, mais ne peut en apporter la preuve n’ayant pas accès aux documents de l’employeur.
En l’espèce, la Cour rejette le pourvoi du salarié débouté en appel au motif qu’il n’a, à aucun moment, demandé au juge d’ordonner la production de documents susceptibles de constituer un commencement de preuve de l’inégalité de traitement. La chambre sociale considère en effet « qu’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe «à travail égal, salaire égal» de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; que lorsque le salarié soutient que la preuve de tels faits se trouve entre les mains d’une autre partie, il lui appartient de demander au juge d’en ordonner la production ; que ce dernier peut ensuite tirer toute conséquence de droit en cas d’abstention ou de refus de l’autre partie de déférer à une décision ordonnant la production de ces pièces ». En ne demandant pas au juge d’ordonner la communication des documents utiles au salarié, ce dernier ne fait qu’alléguer une différence de rémunération et n’apporte pas le commencement de preuve nécessaire à l’établissement de la présomption.
Cette solution est logique au regard de l’alinéa 2 de l’article 146 du nouveau code de procédure civile qui dispose qu’« en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve » (V. A. Johansson, La preuve de l’atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » et l’article 1315 du code civil, RJS 12/05, p. 823).
Elle fait également écho à une décision récente de la Cour de cassation qui a accordé au salarié suspectant l’existence d’une discrimination (en raison du sexe) qu’il puisse demander au juge des référés, en amont de tout procès, d’obliger l’employeur à communiquer des documents relatifs aux autres salariés de l’entreprise afin de pouvoir comparer sa situation et, ainsi, obtenir les éléments de faits nécessaires à l’introduction d’un recours pour discrimination.
La différence de statut public/privé ne suffit pas à fonder une différence de rémunération sauf si celle-ci résulte de l’application de règles de droit public
Dans le second arrêt (n° 12-17.273), une prime pour travaux dangereux (prévue par décr. n° 67-624, 23 juill. 1967) et une prime de sujétion horaire (prévue par le décr. n° 2002-532, 16 avr. 2002) étaient versées aux seuls fonctionnaires à l’exclusion des salariés sous contrat de droit privé. L’employeur conteste la décision d’appel d’avoir considéré que cette différence portait atteinte au principe « à travail égal, salaire égal », au motif que l’employeur « avait la possibilité de prévoir [ces primes] pour son personnel de droit privé et qu’il n’établissait pas que sa décision d’octroyer ces primes pour travaux dangereux et sujétions horaires ne s’appliquait pas à l’ensemble de son personnel sur la base du critère de la fonction ou du poste de travail occupé ».
La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « la seule différence de statut juridique ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale, sauf s’il est démontré, par des justifications dont le juge contrôle la réalité et la pertinence, que la différence de rémunération résulte de l’application de règles de droit public ». Elle précise en conséquence qu’en constatant que « la commune de Narbonne se bornait à invoquer les fondements réglementaires d’éléments de rémunération facultatifs, sans faire état d’autres raisons propres à justifier que les salariés relevant de contrats de droit privé soient privés de primes liées à des sujétions professionnelles et accordées à des agents de droit public exposés aux mêmes désagréments dans l’exercice des mêmes fonctions, la cour d’appel en a déduit à bon droit que cette différence de traitement n’était pas fondée ».
Cette solution pose un principe en tout point identique à celui dégagé lors d’un arrêt du 16 février 2012 où il était question d’une prime de treizième mois attribuée aux agents des chambres de commerce et d’industrie et dont étaient exclus les salariés intérimaires.
La nuance que l’on retrouve dans ces différentes espèces avec l’hypothèse où « la différence de rémunération résulte[rait] de l’application de règles de droit public » entre en résonnance avec un arrêt du 11 janvier 2012 dans lequel la Cour estime que l’octroi d’une majoration familiale aux cadres à la retraite, et non aux ouvriers, ayant élevé au moins trois enfants est une différence de traitement qui ne résulte pas d’un manquement de l’employeur ou d’une caisse de retraite au principe de l’égalité de traitement mais trouve « sa cause dans la diversité et l’autonomie des régimes de retraite complémentaire relevant d’organismes distincts et l’évolution de la norme juridique applicable » (Soc. 11 janv. 2012, n° 10-15.806). Ainsi, « la Cour de cassation semble admettre que l’inégalité est justifiée lorsqu’elle résulte de règles imposées à l’employeur par les pouvoirs publics » (V. A. Gogos-Gintrand, L’égalité de traitement des salariés ou l’éternelle question de la légitimité des différences, Dr. soc. 2012. 804 ) et sur l’application desquels il ne peut rien. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce, les primes étaient d’origine réglementaire mais facultatives, c’est donc l’employeur qui a décidé de les verser aux fonctionnaires malgré la présence de salarié de droit privé dans l’entreprise qui ne pourraient en bénéficier. On peut douter de la pertinence de cette nuance, notamment lorsqu’elle affectera les accords de branche auxquels l’employeur est soumis, sans pour autant avoir participer à leur élaboration, et qui pourrait prévoir un avantage catégoriel facultatif.