– Apprentissage : contrat d’apprentissage et calcul de l’ancienneté du salarié :
Un salarié est fondé à demander dès sa classification comme éducateur spécialisé le bénéfice d’un coefficient correspondant à une ancienneté acquise au titre de la durée de son contrat d’apprentissage. La chambre sociale se prononce en ce sens, dans un arrêt de cassation du 27 mars 2013.
L’article L. 6222-16 du code du travail prévoit que lorsqu’un contrat d’apprentissage est suivi d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) dans la même entreprise, la durée du contrat d’apprentissage est prise en compte pour le calcul de la rémunération et l’ancienneté du salarié. Toutefois, aux termes de l’article 38 de la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, « seuls les services accomplis après l’obtention du diplôme professionnel ou la reconnaissance de la qualification requise seront pris en considération », pour le calcul de l’ancienneté.
En l’espèce, une personne avait été engagée en qualité d’élève éducateur en 2004, dans le cadre d’un contrat de travail préalable à une formation en contrat d’apprentissage. Ayant obtenu son diplôme d’éducateur spécialisé en 2008, elle avait été classée en cette qualité par un avenant. La cour d’appel estimait qu’en application de l’article 38 de ladite convention collective, ce salarié « ne pouvait prétendre à la prise en compte de son ancienneté qu’à compter de la date d’obtention du diplôme d’éducateur spécialisé ». La chambre sociale casse l’arrêt au visa de l’article L. 6222-16 du code du travail. « L’article 38 de la convention collective applicable ne peut faire obstacle à l’application de l’article L. 6222-16 du code du travail », indique-t-elle. Ainsi, ce salarié était fondé à demander « le bénéfice d’un coefficient correspondant à une ancienneté acquise au titre de la durée de son contrat d’apprentissage ».
– Contrat de travail : clause de non-concurrence et dispense de préavis : nouveau régime de renonciation
En l’espèce, un salarié a été engagé par contrat de travail assorti d’une clause de non-concurrence dont il pouvait être libéré par l’employeur « soit à tout moment au cours de l’exécution du contrat soit à l’occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée ». Le salarié a démissionné le 12 novembre 2008, la fin de son préavis devant intervenir le 12 février 2009. L’employeur a accepté que le salarié quitte l’entreprise le 23 janvier 2009 et a, par courrier du 6 février 2009 adressé le 9 février suivant, libéré celui-ci des obligations de la clause de non-concurrence. Le juge du fond a estimé que la renonciation de l’employeur était tardive, ce que qu’approuve la Cour de cassation par substitution d’un motif de pur droit relevé d’office.
Elle décide tout d’abord « qu’en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise ». On rappellera que dans un arrêt rendu en 2011 (Soc. 22 juin 2011, n° 09-68.762) la Cour avait déjà énoncé « qu’en cas de licenciement du salarié avec dispense d’exécution de son préavis, la date de départ de l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité, sont celle du départ effectif du salarié de l’entreprise ». Par la présente formulation, la Cour étend la solution issue de la décision précitée à toute forme de rupture du contrat de travail. Elle ajoute surtout, tel est l’apport principal de l’arrêt, qu’il résulte de l’énoncé qui précède « que l’employeur qui dispense le salarié de l’exécution de son préavis doit, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires ». Il faut certainement entendre par « stipulations ou dispositions contraires », d’éventuelles stipulations contractuelles ou dispositions conventionnelles. L’arrêt met donc fin à la dichotomie qui existait en cas de renonciation, fondée sur l’absence ou la présence de dispositions conventionnelle ou contractuelle. En effet en l’absence de disposition conventionnelle ou contractuelle fixant le délai de renonciation à la clause de non-concurrence, l’employeur qui licenciait un salarié ne pouvait être dispensé de verser la contrepartie financière de la clause que s’il libérait l’intéressé de son obligation de non-concurrence au moment du licenciement. En revanche, lorsque de telles dispositions existaient, il convenait de faire application du délai de renonciation prévu par le contrat ou la convention collective, à moins qu’elles ne réservaient la faculté à l’employeur de renoncer après la rupture à la clause de non-concurrence à tout moment, dans cette hypothèse la stipulation était réputée non-écrite. Dorénavant, peu importe la présence de stipulations contractuelles ou conventionnelles, la renonciation doit être formulée au plus tard à la date du départ effectif de l’entreprise. Transmission tardive du TESA et requalification du CDD
Le titre emploi simplifié agricole (TESA) a été mis en place en 1999 pour simplifier les démarches des employeurs agricoles lors de l’embauche de salariés occasionnels ou saisonniers. Ce dispositif permet de regrouper en un seul document l’accomplissement de douze formalités d’embauche, dont la remise d’un contrat de travail écrit. Aux termes de l’article L. 712-1 du code rural et de la pêche maritime, l’employeur qui, au moment de l’embauche d’un salarié par contrat à durée déterminée (CDD) remet au salarié et adresse à la caisse de mutualité sociale agricole les parties du TESA qui leur sont respectivement destinées est réputé satisfaire aux obligations prévues par les articles L. 1242-12 et L. 1242-13 du code du travail.
Mais – et c’est ce que précise la Cour de cassation dans un arrêt du 13 mars 2013 – cela ne dispense pas l’employeur de remettre au salarié, dans les deux jours suivant l’embauche, la partie du TESA qui correspond au contrat de travail. En effet, la méconnaissance de l’obligation de transmission d’un contrat écrit dans un délai de deux jours équivaut à une absence d’écrit permettant au salarié d’obtenir la requalification du CDD en contrat à durée indéterminée (CDI).
En l’espèce, la requalification en CDI a été prononcée au bénéfice de trois salariés recrutés pour une durée d’un mois au motif que l’employeur n’avait transmis la partie contrat de travail du titre qu’à la fin de la dernière journée de travail.
– IRP et syndicats : élections professionnelles et modalités d’organisation du vote électronique :
En l’espèce, une union syndicale demandait au tribunal d’instance saisi d’annuler les élections professionnelles ayant eu lieu dans l’entreprise par le biais d’un vote électronique pour lequel les salariés ont reçu leur code d’authentification électronique sur leur messagerie professionnelle, ce qui poserait un problème en matière de confidentialité. Le juge du fond refuse d’annuler ces élections car, relève-t-il, le protocole préélectoral prévoit que chaque électeur reçoit du prestataire un code PIN secret et un mot de passe à son domicile par courrier simple et sur sa boîte mail, et peut voter ainsi en toute confidentialité sur le site web sécurisé créé pour l’occasion. Le protocole précise en outre que le flux de vote et celui de l’identification de l’électeur seront séparés en sorte que l’opinion émise par l’électeur sera cryptée et stockée dans une urne électronique dédiée, sans lien aucun avec le fichier d’authentification des électeurs. Le juge de souligner qu’à supposer que la direction soit parvenue à s’emparer des données confidentielles du salarié en s’introduisant subrepticement dans sa boîte mail, le syndicat n’explique pas comment elle a pu les utiliser pour prendre connaissance de son vote crypté et immédiatement stocké dans l’urne après avoir été émis, en sorte que le défaut de confidentialité allégué n’est pas établi.
À première vue, la solution du tribunal d’instance semble conforme au droit applicable, le prestataire ayant notamment mis en place un « fichier des électeurs » ainsi qu’un fichier « contenu de l’urne » destiné à recueillir les votes, toutes les opérations sensibles bénéficiant également d’un cryptage.
Par la présente décision, rendue au visa des articles R. 2314-9 et R. 2324-5 du code du travail et des principes généraux du droit électoral, la Cour de cassation censure pourtant la décision du juge du fond.
Le chapeau de la décision énonce que le système de vote électronique retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes. Il reprend, par conséquent, les dispositions des seconds alinéas des deux articles précités.
En énonçant que l’envoi des codes personnels d’authentification sur la messagerie professionnelle des salariés, sans autre précaution destinée notamment à éviter qu’une personne non autorisée puisse se substituer frauduleusement à l’électeur, n’est pas de nature à garantir la confidentialité des données ainsi transmises, ce dont il résulte que la conformité des modalités d’organisation du scrutin aux principes généraux du droit électoral n’était pas assurée, la Cour de cassation semble proscrire un tel procédé de communication desdits codes. En effet, on voit mal comment il serait techniquement possible d’empêcher une autre personne que le salarié de recueillir les codes sur la messagerie professionnelle. Certes, cette dernière est en principe elle-même sécurisée par un code, mais la Cour décide que, sauf règlement intérieur restreignant le pouvoir de consultation de l’employeur, les courriels reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, si bien que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels. En outre, l’informaticien de l’entreprise peut avoir un accès intégral à l’intranet de la société… Le risque d’une fraude, réelle ou simplement supposée ce qui est déjà un problème, n’est pas nul. Bien entendu, l’envoi des codes d’authentification sur la messagerie personnelle du salarié ou par courrier n’empêche pas qu’ils soient subtilisés par un tiers, parce que le salarié aura laissé sa messagerie ouverte ou parce qu’il aura laissé ce courrier à la portée de personnes indélicates, mais dans ce cas, ce sera la légèreté du salarié qui sera en cause et non les modalités d’organisation du vote. La solution doit par conséquent être pleinement approuvée. Entreprises de moins de cinquante salariés : représentant de la section syndicale
En principe, une organisation syndicale non représentative n’a la faculté de désigner un représentant de la section syndicale que dans les entreprises comportant cinquante salariés au moins (C. trav., art. L. 2142-1-1). À titre exceptionnel, un représentant de la section syndicale peut être désigné dans une entreprise de moins de cinquante salariés en la personne du délégué du personnel (C. trav., art. L. 2142-1-4). Ainsi, là où le syndicat dispose d’une large liberté de désignation, quant au choix du salarié, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, cette liberté est très étroitement limitée dans celles de moins de cinquante salariés. Il est, toutefois, élu un ou plusieurs délégués du personnel titulaires et, en nombre égal, un ou plusieurs délégués du personnel suppléants (C. trav., art. L. 2314-1). Titulaires et suppléants peuvent-ils être indifféremment désignés représentant de la section syndicale dans les entreprises susmentionnées ou le choix du syndicat doit-il exclusivement se porter sur les seuls titulaires ?
Pour la première fois, la Cour de cassation considère que, sous réserve de conventions ou accords collectifs comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d’un crédit d’heures à ce titre peut être désigné comme représentant de section syndicale.
Bien qu’inédite, la solution résulte de la transposition de la jurisprudence de la Cour relative à la désignation du délégué du personnel comme délégué syndical, autorisée par l’article L. 2143-6 du code du travail, dans les entreprises de moins de cinquante salariés.