Recel successoral : caractérisation de la connaissance respective des faits de recel :
Prétendant que ses deux soeurs ont diverti de la succession de leur père une certaine somme, la troisième les a assignées en liquidation et partage de cette succession et a demandé qu’elles soient condamnées à rapporter la somme en question et privées de toute part sur celle-ci. Cette demande est accueillie, par la Cour d’appel d’Amiens, confirmée par la Cour de cassation. La Cour estime que les deux soeurs ont, par des manoeuvres frauduleuses, diverti la somme en question des effets de la succession de leur père qu’elles se sont appropriée indûment au détriment de leur soeur. L’argument d’une des soeurs selon lequel un héritier ne peut être privé de sa part dans les biens ou droits qui ont été recelés par un cohéritier et, d’autre part, que le recel étant une peine privée, nul ne saurait être anctionné du fait du recel imputable à un cohéritier ne prospère pas.
Lorsque les détournements ont été commis séparément par plusieurs héritiers, chacun ne saurait être privé que de sa part dans les objets qu’il a personnellement détournés mais à la condition qu’il ne soit pas établi qu’il a eu connaissance de ceux opérés par les autres. Lorsque l’hypothèse inverse se présente, l’arrêt établit donc une peine plus sévère. Dès lors, en l’espèce, les héritières, qui, par des manoeuvres frauduleuses, ont diverti une somme d’argent dépendant de la succession, peuvent faire l’objet d’une condamnation indivisible pour recel de biens successoraux à la seule condition que soit caractérisée la connaissance qu’avait chacune d’entre elles du recel commis par l’autre.
Créance de salaire différé : conditions d’octroi et bénéficiaires :
Par deux décisions du 20 juin 2012, la première chambre civile apporte des précisions en matière de contrat de salaire différé, qui permet de rémunérer le descendant d’un exploitant agricole qui a participé à la mise en valeur de l’exploitation à titre gratuit, lequel fait l’objet d’un contentieux aux incidences pratiques incontestables. Si la participation régulière et sans contrepartie du descendant à l’exploitation ouvre droit à la créance de salaire différé, l’aide occasionnelle peut-elle ouvrir droit à telle une créance ?
Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, considèrent dans une première espèce que l’aide occasionnelle ne constituait pas un travail ouvrant droit à une créance de salaire différé d’autant que la requérante exerçait deux autres activités rémunérées et que l’activité agricole réduite dans cette petite exploitation ne permettait pas l’emploi d’un salarié à temps complet. Autrement dit, le descendant ayant une activité principale ne peut pas solliciter un salaire différé parce qu’il a apporté une aide ponctuelle à l’exploitation. C’est aux juges du fond que revient, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, la tâche de déterminer s’ils sont en présence d’une réelle participation du descendant à l’exploitation ou s’il s’agit simplement d’une entraide familiale. Le conjoint survivant du créancier du salaire différé peut-il être fondé à demander qu’il en soit tenu compte dans la succession de l’exploitant qui en était débiteur ? La Cour de cassation considère, dans une seconde espèce, que puisque la créance de salaire différé a été définitivement fixée avant le décès de sa bénéficiaire et est entrée dans le patrimoine de cette dernière, elle doit, par conséquent, se retrouver dans sa succession. Ainsi, en l’absence de descendants, le mari est fondé à demander qu’il en soit tenu compte dans la succession de l’exploitant qui en était débiteur.