Doit être approuvée la cour d’appel qui a rejeté la demande en indemnité d’occupation dirigée contre un indivisaire, dès lors que l’utilisation faite par celui-ci d’une partie de la chose indivise n’est pas contraire à la destination des lieux et ne porte pas atteinte aux droits égaux et concurrents de l’indivisaire demandeur.
Sans avoir à attendre un éventuel partage, tout indivisaire est en droit de faire cesser les actes accomplis par un autre indivisaire, qui ne respectent pas la destination de l’immeuble ou qui portent atteinte à leurs droits égaux et concurrents sur la chose indivise et d’agir à cet effet, ainsi que pour obtenir réparation du préjudice consécutif auxdits actes. L’action d’un indivisaire à l’égard d’un autre peut donc essentiellement se fonder sur deux moyens : la préservation du bien indivis ou la protection de ses droits sur ce bien.
À cet égard, la privatisation par l’un des coïndivisaires de l’usage ou de la jouissance du bien ou d’une partie seulement de celui-ci contrevient à la nature même de l’indivision, ce qui explique qu’en pareille hypothèse le second alinéa de l’article 815-9 du code civil prévoit le versement d’une indemnité d’occupation à défaut de convention contraire. Pour autant, l’enclosure d’une partie du fonds au bénéfice exclusif d’un des indivisaires n’emporte pas de plein droit sa condamnation au paiement d’une contrepartie financière. En effet, la première chambre civile rejette le pourvoi qui reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir tiré toutes les conséquences de ses propres constatations en refusant de condamner au versement d’une indemnité d’occupation l’indivisaire qui avait aménagé une partie de la cour commune à son seul usage. Le défendeur avait notamment réalisé un
jardin potager et clôturé un poulailler. Après avoir relevé la conformité de ces installations à la destination des lieux (les propriétés respectives des parties ainsi que la cour commune étaient issues de la division d’un même champ agricole), les juges du fond relèvent, d’une part, que le demandeur ne démontrait pas la diminution de son propre usage sur la cour commune par la présence des différents aménagements et, d’autre part, que la clôture du poulailler n’avait eu pour objet que de protéger les gallinacés du chien du demandeur.
En conséquence, le comportement de l’indivisaire défendeur n’avait pas porté atteinte aux droits égaux et concurrents du demandeur. La Cour de cassation se satisfait de ces constatations pour rejeter le pourvoi.
Si la lecture des arrêts de rejet n’est jamais la plus simple, il est néanmoins permis de considérer qu’en dépit de la lettre de l’article 815-9 du code civil qui ne subordonne le versement d’une indemnité à aucune autre condition que l’usage privatif, la première chambre civile n’impose le paiement d’une telle indemnité qu’en présence d’une remise en cause de l’équilibre des droits entre les indivisaires. Faut-il dès lors considérer qu’outre l’utilisation exclusive du bien indivis, il est également nécessaire de démontrer que cet usage porte atteinte aux droits des autres indivisaires ? Par essence, un tel comportement heurte la nature même de l’indivision.
Mais il est vrai qu’en l’espèce l’attitude du défendeur est avant tout une réaction à celle du demandeur. Les juges du fond ont pris soin de souligner que si le poulailler a été clôturé c’est afi n de protéger ses occupants du chien de l’autre indivisaire. Ce dernier aurait donc vraisemblablement pu être poursuivi au regard de ce qui apparaît comme une atteinte réciproque aux droits de l’autre partie. Autrement dit, l’équilibre est ici préservé, la Cour de cassation rappelant qu’une telle appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.