Reconnaissance de dettes : les limites de la mention manuscrite :

Un époux avait avancé à son épouse la somme de 60 000 €. Le tout avait été constaté par une reconnaissance de dette, dans laquelle l’emprunteuse reconnaissait avoir reçu cette somme à titre de prêt (sans que l’on connaisse la destination des fonds), mais qui ne respectait pas l’exigence prescrite à l’article 1326 du code civil, à savoir la présence de la mention manuscrite de la somme due, en chiffres et en lettres. La cour d’appel avait rejeté la demande en paiement du créancier considérant que dans ces conditions, la reconnaissance de dette ne pouvait valoir que comme un commencement de preuve par écrit, qu’il fallait compléter. Le créancier devait rapporter la preuve du versement effectif de la somme litigieuse entre les mains de son débiteur. Il fallait donc combiner les deux dispositions : les articles 1132 et 1326 du code civil. Le premier a trait à ce que l’on appelle les billets non causés, ceux dans lesquels la cause n’est pas exprimée. Selon ce texte, « la convention n’est pas moins valable, quoique la cause n’en soit pas moins exprimée ». La Cour de cassation affirme que « la règle énoncée par l’article 1132 du code civil […] institue une présomption que la cause de l’obligation invoquée existe et est licite ». Il s’agit évidemment d’une présomption simple et c’est alors à la partie qui se prévaut du défaut de cause d’en rapporter la preuve. Or, en l’espèce, c’est bien de ce type d’acte dont il était question, ce que ne manquait pas de rappeler le dernier moyen du pourvoi. L’article 1132 n’exige pas, pour son application, l’existence d’un acte répondant aux conditions de forme par l’article 1326. La cause n’est pas exprimée ? L’acte est néanmoins valable et la charge de preuve obéit alors aux règles précitées, peu important que les conditions de l’article 1326 du code civil n’aient pas été respectées. En dépit de la non-conformité de l’acte aux exigences de l’article 1326 du code civil,
la règle de l’article 1132 du code civil aurait dû, en l’espèce, profiter au créancier.

Paiement de la dette d’autrui : caractérisation d’une gestion d’affaires :
Pour éviter la saisie d’un immeuble, le solvens qui a réglé les dettes que la propriétaire de l’immeuble avait contractées, l’assigne en remboursement. Pour le débouter de ses demandes, la cour d’appel de Nîmes (9 juin 2010, n° 08/04390, Dalloz jurisprudence) énonce « qu’il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées » et que « l’intention libérale était exclue puisqu’il invoquait comme cause de son paiement l’objectif de préserver le patrimoine de la débitrice, qui constituait le gage garantissant ses créances à l’égard de celle-ci ». Toutefois, la cour d’appel conclut que « la gestion d’affaires sur laquelle celui-ci fondait sa demande devait être écartée dès lors que le seul paiement de la dette d’autrui ne suffit pas à la caractériser ».
L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article 1236 du Code civil relatif au paiement de la dette d’autrui et de l’article 1372 du Code civil relatif à la gestion d’affaires. La Cour de cassation énonce que la gestion d’affaires est en l’espèce caractérisée en précisant, d’une part, que le solvens a agi à la fois dans son intérêt et dans celui de la débitrice, et que, d’autre part, les paiements litigieux avaient été
utiles à celle-ci non seulement en permettant l’extinction de ses dettes et en lui évitant la saisie de ses biens immobiliers. Si le solvens qui a payé au nom et en l’acquit du débiteur se trouve subrogé dans les droits du créancier, à l’inverse, le solvens qui a agi en son nom propre, dispose en effet, d’un recours personnel contre le débiteur. En l’espèce, le paiement de la dette d’autrui a été effectué par un tiers, qualifiable de non intéressé à la dette et ne bénéficiant d’aucune subrogation, puisqu’il n’était pas tenu d’opérer ces remboursements et qu’il n’a pas été mandaté par la débitrice pour le
faire au nom de celle-ci. Dès lors, ce paiement qui permet non seulement d’éteindre cette dette, mais en outre d’éviter la saisie d’un bien immobilier permet, de caractériser une gestion d’affaires. Par cette décision, en adéquation avec les principes du droit des obligations, la Cour de cassation confirme dès lors le principe selon lequel celui qui paie la dette d’autrui bénéficie d’un recours contre
le débiteur, mais précise surtout les conditions qui permettent, en l’espèce, de caractériser la gestion d’affaires en assimilant le paiement de la dette d’autrui à un acte de gestion.