Pouvoir de licencier : interdiction de délégation au cabinet comptable :

Selon un arrêt rendu par la Chambre sociale le 7 décembre 2011, « la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme ». Notons dans un premier temps qu’en se focalisant ainsi sur la poursuite de la procédure jusqu’à son terme, la Chambre sociale entend ainsi indiquer que seule la notification du licenciement par le prestataire extérieur est illicite et non celle de la convocation à l’entretien préalable. Cela est largement confirmé par le visa qui ne comporte que l’article L. 1232-6 du Code du travail lequel concerne seulement la notification du licenciement. En second lieu, sur le plan de la sanction la Chambre sociale considère que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Un tel renforcement de la sanction n’est pas négligeable. Pour autant, il est permis d’estimer qu’il est insuffisant. En effet, étant donné qu’il est interdit à l’employeur de donner mandat à son expert-comptable pour notifier le licenciement, celui-ci a été prononcé par une personne dépourvue de capacité. Or le défaut de capacité est sanctionné, selon les principes les plus classiques du droit des obligations, par la nullité de l’acte juridique.

Cadre d’appréciation de la cause du licenciement pour motif économique :

Si, lorsque l’entreprise ne fait pas partie d’un groupe, les difficultés économiques s’apprécient au niveau de l’entreprise (Soc. 7 oct. 1998), il est admis, depuis les célèbres arrêts Vidéocolor et TRW REPA du 5 avril 1995, que la cause justificative du licenciement pour motif économique doit être appréciée au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise. Ce cadre d’appréciation vaut, qu’il s’agisse de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l’entreprise. Par deux décisions du 14 décembre 2011 et promises à une large publicité, la Chambre sociale
réaffirme solennellement ce principe de solution, jamais démenti, face à la résistance de certains juges d’appel. Ces deux décisions concernaient les salariés d’une même entreprise, qui s’étaient vu proposer une modification de leur contrat de travail, fondée sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, et avaient été licenciés pour motif économique à la suite de leur refus. Les juges d’appel avaient considéré que le licenciement des intéressés revêtait une cause réelle et sérieuse. Selon les juges du fond, tout d’abord, le précédent mode de calcul des rémunérations des conseillers commerciaux et des inspecteurs de la société et, spécialement, de leur part variable assise sur l’activité commerciale des agents qu’ils encadraient était devenu obsolète, par l’effet de contraintes tant internes qu’externes et de la nécessité de définir de nouvelles orientations stratégiques. Il était, ensuite, insuffisamment motivant pour garantir la conquête de nouveaux clients et maintenir la part de marché d’un assureur qui ne cessait de s’éroder depuis 1995 par l’effet de la concurrence exacerbée des réseaux d’assurances-vie en ligne et de « bancassureurs ». Les deux décisions sont cassées, la Chambre sociale reprochant au juge d’appel de s’être déterminé ainsi, sans expliquer en quoi était caractérisée l’existence, au niveau du secteur d’activité du groupe auquel la société appartient, de difficultés économiques ou d’une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur.

Résiliation judiciaire et transfert d’entreprise :

En principe la prise d’effet de la résiliation judiciaire « ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur » (Soc. 11 janv. 2007 ; 14 oct. 2009). Il en va différemment lorsque le salarié est licencié postérieurement à l’introduction de sa demande. En ce cas, le juge doit avant toute chose rechercher si la demande était justifiée et ce n’est que dans le cas contraire qu’il se prononcera sur le bien-fondé du licenciement (Soc. 16 févr. 2005 ; 12 juill. 2005 ; 21 juin 2006). Si, à l’inverse, il considère la demande justifiée, il fixe la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement. Il résulte d’un arrêt du 7 décembre 2011 que cette dernière solution trouve application dans l’hypothèse dans laquelle, postérieurement à l’introduction de la demande en résiliation judiciaire, le contrat de travail du salarié est transféré auprès d’un nouvel employeur en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail et que ce dernier le licencie. Selon la Chambre sociale, « lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service ou au service d’un nouvel employeur dans le cas d’un transfert de son contrat de travail en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande était justifiée. Si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement ». La solution, qui s’appuie sur le caractère automatique du transfert des contrats de travail lorsque les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail sont réunies, est pleinement justifiée.