Préjudice éventuel et absence de subordination hiérarchique :

L’article 222-33-2 du Code pénal incrimine, au titre de l’élément matériel, des « agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail ». L’infraction peut donc être simplement formelle, dans la mesure où il n’est pas nécessaire que la dégradation des conditions de travail soit effective ; il suffit que celle-ci soit « susceptible » de porter atteinte aux droits de la victime et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.La Cour de cassation sanctionne dans un arrêt du 6 décembre 2011 la cour d’appel qui avait ajouté à la loi des conditions qu’elle ne contenait pas en exigeant non seulement une atteinte réelle aux droits ou à la santé
de la victime mais également un lien de subordination hiérarchique entre l’auteur et sa victime. Infirmant le jugement de condamnation du tribunal correctionnel, les magistrats de la juridiction du second degré avaient en effet relaxé le prévenu au motif qu’il n’était pas établi que ses agissements répétés « avaient porté atteinte aux droits, à la dignité de la victime ou altéré sa santé physique ou mentale ou encore compromis son avenir professionnel ». La cour d’appel avait bien considéré, en revanche, que les agissements auxquels s’était livré le prévenu pendant plusieurs années avaient contribué à dégrader les conditions de travail de la victime, laquelle s’était suicidée, « en dévalorisant de façon réitérée son action, en diffusant à son propos une image d’incompétence dans son milieu professionnel et en adoptant à son égard un comportement irrévérencieux et méprisant ». Toutefois, elle estima que les conséquences de cette dégradation des conditions de travail n’étaient pas avérées – condition pourtant non nécessaire –, la victime étant le supérieur hiérarchique de l’auteur présumé. Selon la cour d’appel, le prévenu « n’avait donc pas les moyens de compromettre l’avenir professionnel de la victime »… La Cour de cassation s’en tient à une interprétation littérale de l’article 222-33-2 du Code pénal. Elle rappelle que les conséquences du harcèlement moral sur l’état de santé de la victime n’ont pas à être avérées, dans la mesure « où la simple possibilité de cette dégradation suffit à consommer le délit ».
Par ailleurs, la loi ne requiert pas qu’il existe un lien de subordination hiérarchique entre l’auteur et la victime, sanctionnant aussi bien le harcèlement descendant ou horizontal, qu’ascendant, lorsque la victime est, comme en l’espèce, le supérieur hiérarchique de l’auteur du délit.