Permis de construire : appréciation de l’urgence à suspendre un sursis statuer
Pour justifier de l’urgence à suspendre l’exécution d’un sursis à statuer opposé à une demande de permis de construire, le requérant doit démontrer, en invoquant des circonstances particulières, que cette décision affecte gravement sa situation.
En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) demandait au juge des référés qu’il prononce la suspension du sursis à statuer opposé à sa demande de permis de construire, le maire ayant considéré que le projet était susceptible de compromettre l’exécution du futur plan local d’urbanisme.
Le Conseil d’État considère qu’un sursis à statuer « ne crée une situation d’urgence que si le requérant justifie, en invoquant des circonstances particulières, que cette décision affecte gravement sa situation ».
En l’espèce, la SCI soutenait que l’urgence justifiait la suspension de l’exécution du sursis au motif qu’elle avait conclu avec un particulier une promesse de bail à construction, comportant une clause de caducité. Ce risque de caducité de la promesse de bail à construction ne suffit pas à voir la condition d’urgence comme remplie, juge le Conseil d’État, « compte tenu tant de l’absence d’obstacle à la reconduction de cette promesse que de l’intérêt public qui s’attache à l’exécution du futur plan local d’urbanisme, lequel prévoit notamment de renforcer la préservation du caractère naturel de la zone en cause, comprise dans une zone de protection spéciale Natura 2000 ».
Le droit de délaissement ne constitue pas une privation de propriété
L’absence de droit de rétrocession au profit du propriétaire qui a exercé son droit de délaissement d’un terrain classé en emplacement réservé par « un plan d’urbanisme » n’est pas contraire à la Constitution, l’exercice de ce droit ne constituant pas une « privation de propriété » au sens de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
La Cour de cassation avait transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant les dispositions de l’ancien article L. 123-9 du code de l’urbanisme, issues de la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme. Ces dispositions prévoyaient que le propriétaire d’un terrain, bâti ou non, situé sur un emplacement réservé par un plan d’occupation des sols (POS) pour un ouvrage public, une voie publique, une installation d’intérêt général ou un espace vert, pouvait exiger de la collectivité qu’elle procède à l’acquisition du terrain dans un délai de deux ans. Un mécanisme similaire est, depuis la loi SRU, prévu pour les emplacements réservés par les plans locaux d’urbanisme (PLU) à l’article L. 123-17, dont la mise en oeuvre est encadrée par les dispositions des articles L. 230-1 et suivants.
Le requérant faisait grief à ces dispositions de ne pas prévoir un droit de rétrocession analogue à celui prévu par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans l’hypothèse où le projet pour lequel l’emplacement a été réservé n’a pas été réalisé, et donc de porter atteinte au droit de propriété.
Le Conseil constitutionnel souligne tout d’abord que, par les dispositions contestées, le législateur a institué un droit de délaissement au profit du propriétaire dont le bien se situe sur un emplacement réservé par « un plan d’urbanisme » ce qui, comme le confirme la lecture du commentaire de la décision, englobe les POS, les PLU ou « tout autre document voisin qui serait autrement qualifié ».
Comme il l’avait déjà jugé s’agissant du droit de délaissement des propriétaires de parcelles au profit d’associations foncières agricoles (Cons. const., 22 janv. 1990, n° 89-267 DC), le Conseil considère que le droit de délaissement institué par l’ancien article L. 123-9 du code de l’urbanisme « constitue une réquisition d’achat à l’initiative des propriétaires de ces terrains ; que, par suite, le transfert de propriété résultant de l’exercice de ce droit n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ». Partant, en accordant aux propriétaires de terrains grevés d’un emplacement réservé le droit d’imposer à la collectivité publique, soit d’acquérir le terrain réservé, soit de renoncer à ce qu’il soit réservé, le législateur n’a porté aucune atteinte à leur droit de propriété.
Les Sages écartent ensuite le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de sa compétence et déclarent donc l’ancien article L. 123-9 du code de l’urbanisme conforme à la Constitution.
Bail commercial : point de départ du délai de l’action en requalification
La demande qui tend à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du code de commerce et le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, peu important qu’il ait été tacitement reconduit.
Par cet arrêt de rejet, les magistrats de la chambre commerciale jugent, après leurs homologues de la troisième chambre civile, que l’action en requalification d’un contrat en bail commercial doit être introduite dans les deux ans de sa conclusion.
Cette solution a en effet déjà déjà retenue à l’occasion d’une demande en requalification en bail commercial : d’un bail professionnel ; ou, comme au cas particulier, d’un contrat de location-gérance.
La particularité de l’espèce tenait en ce que le plaideur, signataire d’un contrat de location-gérance conclu il y a plus de cinq ans, soutenait que son action était recevable car, à la date de l’assignation, la convention à durée déterminée avait été tacitement reconduite moins de deux ans, donnant naissance à un nouveau contrat.
Cette approche est désavouée tant par les juges du fond que par les hauts magistrats, le point de départ du délai de prescription biennal étant fixé à la date de la conclusion du contrat, et le fait que le bail a été reconduit tacitement n’y change rien.
Si sévère soit-elle, la solution semble devoir être approuvée puisque, s’agissant de requalifier une convention en bail statutaire, l’action peut être engagée dès sa signature.
Le cadre de la saisine des hauts magistrats et la formule retenue (« le délai de prescription [court] à compter de la conclusion du contrat, […] peu important qu’il ait été tacitement reconduit ») ne permet toutefois pas de savoir quelle serait la position du juge du droit si l’argument, non pas de la reconduction tacite, mais du renouvellement, était invoqué.
En effet, la tacite reconduction de ce qui était alors qualifié de « contrat de location-gérance » ne pouvait certainement pas produire les effets escomptés par le preneur puisque, aux termes de l’article L. 145-9 du code de commerce, un bail commercial ne cesse que par l’effet d’un congé et, à défaut, toute poursuite au-delà du terme s’analyse en une tacite prolongation, n’entraînant pas la formation d’un nouveau contrat.
Mais quid si la convention a été expressément renouvelée et si le preneur a agi dans les deux ans de la formation de ce nouveau contrat ?